Il y a quatre ans, l'État islamique d'Iraq et le groupe du Levant (EIIL ISIL) ont lancé une série d'avancées fulgurantes en Irak et en Syrie, profitant de l'instabilité régionale pour réaliser des gains territoriaux rapides
VIDÉO - Près de deux ans après les attaques du 13 novembre, «nous avons gagné» a assuré le chef de l'État, en visite sur la base militaire française d'Abu Dhabi. Il a reconnu que les «foyers terroristes» restaient «nombreux dans la zone».
Les forces militaires et alliées syriennes ont complètement repris la ville de Deir Az Zor de l'EIIL, le dernier bastion urbain du groupe armé dans ce pays déchiré par la guerre.
Une coalition internationale menée par les Etats unis, pendant ce temps fournit un support / aide aérien à une alliance arabo-kurdes , the Syrian Democratic Forces (SDF), qui combat aussi ISIL à et dans Deir Az Zor.
Les forces irakiennes ont repris aujourd'hui un important poste-frontière reliant l'Irak à la Syrie, au coeur du territoire encore aux mains du groupe Etat islamique (EI) à cheval entre ces deux pays, a indiqué le Commandement conjoint des opérations (JOC).
«Il faut considérer que l'après-Daech a commencé». Ce sont les mots de Jean-Yves Le Drian, le 20 octobre dernier. Avant même la reprise intégrale des territoires en Syrie et en Irak, les parties prenantes du conflit dissertent sur la reconstruction à mener. Un air de Yalta.
Depuis lors, il y a eu des centaines de batailles, des tueries horribles et une campagne d'attaques aériennes dirigée par les États-Unis. Aujourd'hui, l'EIIL est un groupe en déclin, chassé de ses bastions urbains alors que les forces locales et internationales revendiquent un territoire clé.
En Irak et en Syrie, le groupe Etat islamique a perdu près de 80% de son territoire, notamment les bastions de Mossoul et Raqqa. Mais à quel prix ? Les victoires proclamées contre le terrorisme vont-elles nourrir les djihads de demain ? Géopolitis, une émission de la Radio Télévision Suisse, dimanche 22 octobre 2017. Le site de Géopolitis : http://geopolitis.ch#géopolitis
L’intégration des milices, un défi pour l’Etat irakien« Après le califat » (2|5).
Après le « califat » de l’EI en Irak et en Syrie, l’Iran, maître du jeu régional « Après le califat » (3|5).
L’Etat islamique, menace pour le « croissant chiite »
VIDÉO - Si les derniers territoires en Syrie et en Irak sont sur le point d'être perdus, l'organisation terroriste a déjà prévu sa reconversion.
Si Daech vit les dernières heures de son rêve territorial, le projet djihadiste hante toujours les têtes des combattants du Levant. Depuis plusieurs années, l'organisation a essaimé son idéologie aux quatre coins de la planète, se préparant ainsi à une mue à mesure que les villes et les puits de pétrole étaient repris par les armées adverses. Mardi, une attaque à Manhattan faisant 8 morts a été perpétrée par un homme se revendiquant de Daech, d'après des documents retrouvés dans son véhicule. De quoi montrer que l'organisation peut encore multiplier les frappes, même sans «état» pour les planifier.
Autour de la table cette semaine: le journaliste d'investigation Clément Fayol, co-auteur du livre «Un cartel nommé Daech» (First) ; Delphine Minoui, la correspondante du Figaro à Istanbul, et Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro et spécialiste du Moyen-Orient.
MAPSWho controls what? Une carte de la guerre civile syrienne qui montre qui contrôle quoi après des années de combats.
parties prenantes du conflit dissertent sur la reconstruction à mener. Un air de Yalta.
L'EIIL a non seulement perdu des territoires en Syrie, also in Iraq,, où les Kurdes et les forces de sécurité irakiennes ont récemment repris le dernier bastion de l'ISIL, Mossoule En dépit de sa défaite militaire, l’organisation djihadiste tente de profiter du vide créé par le retrait américain annoncé par Donald Trump.
Militairement en déroute sur le terrain conventionnel, l’organisation djihadiste reste pourtant bien présente, clandestinement. Les cellules dormantes, même dans les territoires contrôlés par les FDS, sont nombreuses, et la capacité de l’EI à recruter localement se maintient, selon les observateurs locaux.
« Daech est peut-être défait militairement, mais son idéologie est toujours là. Et donc sa capacité à recruter »
« Nous le répétons : la fin géographique de l’EI ne signifie pas la fin de l’organisation », réaffirmait, jeudi, le commandant Khalil. « La situation est loin d’être stabilisée. Daech est peut-être défait militairement, mais son idéologie est toujours là. Et donc sa capacité à recruter et à maintenir des cellules terroristes et dormantes », rappelait la semaine passée une source sécuritaire à Manbij.
« L’EI n’est pas vaincu, cette mission n’est pas terminée »
Car « l’EI renaît toujours ». D’autant plus que le groupe djihadiste tente de renouer avec la stratégie insurrectionnelle qui lui avait permis de survivre, entre 2007 et 2013, en Irak. S’ils n’y contrôlent plus de territoires, les djihadistes continuent de tuer : 1 300 attaques ont frappé le pays au cours des dix premiers mois de 2018, selon les chiffres du centre antiterroriste de l’académie militaire américaine de West Point.
A Washington, nombreux sont ceux qui craignent de voir l’EI se nourrir du chaos et du vide politique causés par un retrait des Etats-Unis de Syrie. « Début décembre, le secrétaire [à la défense] Mattis et moi-même avons rencontré tous les contributeurs militaires de notre coalition, y compris de nombreux pays qui avaient été attaqués par l’EI depuis la Syrie, et le point de vue unanime est que l’EI n’est pas vaincu, cette mission n’est pas terminée », assénait mardi, devant les caméras de CNN, l’ancien émissaire des Etats-Unis auprès de la coalition internationale, Brett McGurk, qui a démissionné en décembre 2018.
« Ce qui est préoccupant, c’est que, si les Etats-Unis se retirent complètement, nous devrons compter sur trois Etats notoirement peu fiables pour contenir l’EI : la Russie, l’Iran et le régime Assad. Celui qui, jadis, a laissé passer ou a envoyé les djihadistes d’Al-Qaida en Irak pour tuer des soldats américains ou des civils irakiens », note Michael Weiss. Il ne s’agit pas seulement de lutter contre le terrorisme. Quelle est la stratégie des Etats-Unis dans la région ? Céder l’espace de combat et les zones d’influence à ses ennemis ? Stratégiquement, cela n’a aucun sens. Et comme on le voit en Irak, l’EI montre déjà des signes de remobilisation alors que le gouvernement [irakien] s’est également révélé incapable de contenir la menace. »
en perdant des territoires non seulement en Irak, mais aussi en Syrie, comme le montre cette carte de la guerre civile syrienne - this map of the Syrian civil warshows.
Etat Islamique. Au moins quarante personnes ont été tuées et de nombreuses autres blessées dans plusieurs explosions ayant frappé un centre culturel chiite jeudi 28 décembre 2017 à Kaboul (Afghanistan), où les attentats se multiplient, a indiqué le ministère de l'Intérieur afghan. Cet attentat a été revendiqué par l'Etat islamique.
The Islamic State of Iraq and the Levant (ISIL, also known as ISIS) group is on the retreat in Syria and Iraq, where their two main bases were located. But what will happen to the thousands of foreigners, including some from the United Kingdom, who have travelled to fight or support its cause? The group has boasted of its involvement in attacks on British soil, as well as other European countries. So how should those who do return to the UK be treated?
Al Jazeera's Barnaby Phillips reports from London.
L’organisation terroriste islamiste a bel et bien perdu son assise territoriale en Syrie et en Irak. Mais il peut encore compter sur ses filiales à l’étranger.
Près de la moitié des posts publiés sur ce blog ont depuis été liés au défi jihadiste, directement ou indirectement. J’aurais naturellement préféré me saisir plus fréquemment d’autres sujets. Mais la persistance de cette menace et une actualité tragique en ont décidé autrement. Et, aujourd’hui, à l’heure où la coalition menée par les Etats-Unis proclame volontiers sa « victoire » contre Daech, force est de constater que les ressources de la terreur jihadiste restent considérables.
LE RETOUR A LA GUERILLA EN SYRIE ET EN IRAK
le contrôle totalitaire exercé pendant trois ou quatre années sur des millions de femmes et d’hommes dans ces régions a permis à Daech d’y implanter des réseaux en profondeur
Loin de trahir une organisation « démoralisée », ces évacuations ont permis à la hiérarchie de Daech de préserver un potentiel milicien désormais mobilisé dans une guérilla du type de celle menée par les jihadistes avant leur « territorialisation » de 2013-14. En outre, un groupe affilié à Daech reste solidement implanté au pied du Golan occupé par Israël, profitant de la polarisation croissante entre le Hezbollah et l’Etat hébreu.
LES FILIALES DE DAECH A L’OFFENSIVE
D’autres branches d’Al-Qaida ont prouvé récemment à la fois leur résilience et leur capacité offensive: la « province du Sinaï »,
La matrice syro-irakienne de Daech et ses différentes branches se doublent désormais de réseaux développés dans le monde entier, animés par une propagande jihadiste certes moins performante, mais toujours aussi porteuse de haine. Leur passage à l’acte n’est pas forcément lié au « retour » de jihadistes ayant combattu dans la zone syro-irakienne. Il est revanche certain qu’ils profitent partout des tensions politiques ou communautaires: ainsi la Catalogne prise de fièvre indépendantiste a très gravement baissé la garde face à la terreur jihadiste.
N’oublions enfin jamais qu’une « victoire » avait déjà été annoncée avec emphase contre « l’Etat islamique en Irak » en 2011. La contre-insurrection habilement menée par les Etats-Unis à partir de 2007, avec soutien à des forces arabes et sunnites seules légitimes face aux jihadistes, paraissait alors couronnée de succès. Mais les politiques sectaires suivies par le gouvernement irakien et la contre-révolution déchaînée par le régime Assad avaient permis à Baghdadi de reprendre l’initiative, jusqu’à contrôler un territoire aussi étendu que la Jordanie. C’est avec 2011, et non 2014, qu’il faut comparer la « victoire » actuelle. Les jihadistes étaient alors réduits à environ 700, ils sont aujourd’hui au moins dix fois plus nombreux entre la Syrie et l’Irak. Ils disposent de surcroît de filiales et de relais solides à l’étranger qui faisaient défaut à Baghdadi en 2011.
Surtout, surtout, les mêmes causes produiront implacablement les mêmes effets. En pire. Si la population arabe et sunnite, majoritaire en Syrie, minoritaire en Irak, se voit privée de tout pouvoir réel, voire soumise à de sanglants règlements de compte, les jihadistes apparaîtront tôt ou tard comme un recours. la « victoire totale » contre Daech à une « stabilisation dans la durée » de la Syrie et de l’Irak, ainsi qu’à une « solution politique inclusive et plurielle ». C’est en effet le seul moyen de conjurer enfin le cauchemar jihadiste. "la France soit une fois encore bien seule à prôner une telle solution".
Je ne suis pas positif sur " l'après Daesch".... Je pense que comme pour Al Qaida après la perte de son sanctuaire en Afghanistan, Daesch a les même capacité de réminiscence, surtout que le contexte régional et international lui est toujours favorable... La victoire de Bachar El Assad, des milices chiites, de l'Iran et la Russie signifie de facto une marginalisation de la population sunnite qui est le vivié de l'Etat Islamique, comme la haine que se porte sunnite et chiite et la lutte pour le pouvoir et les ressources naturelles dans la région
Afghanistan. L’Afghanistan appartient à ces quelques lieux sur terre où le pire ne semble pas avoir de fin. Deux jours après l’attentat le plus sanglant de l’année perpétré par les talibans, l’organisation Etat islamique (EI) a revendiqué, lundi 29 janvier à l’aube, une attaque qui a fait onze morts parmi les soldats afghans contre l’académie militaire Maréchal Fahim, à Kaboul.
L’Etat afghan impuissant face à la multiplication des attentats
Quatre attaques ont eu lieu dans le pays en dix jours, dont l’explosion d’une ambulance piégée, samedi à Kaboul, qui a fait plus de 100 morts.
Quatre attentats ont eu lieu dans le pays en moins de dix jours, depuis celui du 20 janvier, commis contre l’Hôtel Intercontinental à Kaboul, suivi de l’attaque contre l’ONG Save The Children à Jalalabad (est) le 24. La colère monte face à l’incapacité des autorités à juguler la violence.
Le groupe Etat islamique a revendiqué ce lundi une attaque contre le complexe de l'Académie militaire d'Afghanistan à Kaboul, qui a fait au moins cinq morts parmi les soldats, dans un contexte de grande tension qui voit les insurgés multiplier les opérations.Cinq insurgés ont attaqué lundi l'Académie militaire d'Afghanistan à Kaboul, tuant au moins cinq soldats et en blessant dix autres, dans un contexte de grande tension qui voit les insurgés multiplier les opérations.L'explosion d'une ambulance piégée samedi dans le centre de Kaboul, revendiquée par les talibans, a fait plus de 100 morts et 235 blessés. C'est le troisième attentat d'ampleur en huit jours en Afghanistan, après l'attaque de l'hôtel Intercontinental le 20 janvier et celle de l'ONG Save The Children à Jalalabad mercredi.
La président américain a exclu aujourd'hui toute discussion avec les talibans "à ce stade", dénonçant leurs attaques contre "des innocents" à travers l'Afghanistan, deux jours après un attentat qui a fait plus de 100 morts à Kaboul.
"Nous ne voulons pas parler avec les talibans (...) Ils tuent des gens de partout, des innocents", a lancé Trump lors d'une réunion avec les ambassadeurs des pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU. "Nous ne sommes pas prêts à parler à ce stade. Le moment viendra peut-être mais cela va prendre longtemps", a-t-il ajouté.
« Faiblesse de l’Etat »
L’impéritie des forces de sécurité et de renseignement a été mise en exergue par des parlementaires. « Nous sommes très surpris face à une telle faiblesse de l’Etat. Combien de temps encore notre peuple doit-il souffrir et mourir avant que nos dirigeants ne quittent leur fonction pour incompétence ? », s’est interrogé le sénateur Safiullah Hashemi. Un membre du conseil provincial de la région de Kaboul, Mohsin Ahmadi, a regretté que le gouvernement « soit plus occupé par des affaires de luttes politiques internes et d’intérêts personnels que ceux du peuple afghan ».
Les principaux responsables politiques afghans sont, en effet, aujourd’hui concentrés sur l’enjeu de la prochaine présidentielle prévue pour 2019. La gouvernance du pays est quasi paralysée par la rivalité entre le président pachtoune Ashraf Ghani et le chef de l’exécutif, Abdullah Abdullah, d’origine tadjike. Selon un diplomate occidental, à Kaboul, cette situation est aggravée par le fait que le président Ghani et ses concurrents prennent pour acquis que la communauté internationale ne laissera jamais les talibans revenir au pouvoir.
Face à la presse, dimanche, M. Stanekzai, chef du NDS, a défendu sa position en rappelant que « les renseignements ne sont pas toujours fiables à 100 % mais cela ne signifie pas qu’il y a eu manquement ; nous avons déjoué beaucoup d’attaques, certaines sont difficiles à prévoir ; j’espère que les Afghans comprennent qu’il s’agit ici d’une guerre régionale et internationale contre le terrorisme ».
Dans notre dossier : un documentaire qui décrypte la forte présence militaire américaine sur le continent et l'envers des récentes opérations militaires en Libye et au Mali, des repères géographiques et chronologiques sur cette guerre au Sahara, et une infographie sur l'internationale jihadiste.
Les Etats-Unis en Afrique : le prisme croissant du contre-terrorisme
L’intérêt sécuritaire porté au continent par les Américains découle d’une menace terroriste en plein accroisement.
Par Maya Kandel
L’administration Obama a mis en avant, dans son bilan sur l’Afrique, ses initiatives phares dans les domaines de l’éducation, de l’énergie et des échanges commerciaux. Cette présentation omet toutefois une autre caractéristique de ce bilan : la militarisation croissante de la politique américaine, une tendance qui risque de s’accentuer avec son successeur Donald Trump.
La lutte contre le terrorisme pourrait même devenir le prisme dominant de l’approche américaine du continent. Cette évolution découle de l’estimation de la menace à Washington, du poids croissant du Pentagone dans la mise en œuvre de la politique étrangère américaine en général, et en Afrique en particulier. Précisons d’emblée qu’elle est soutenue par le Congrès.
Des « solutions africaines aux problèmes africains »
Cette évolution signale aussi la transformation d’Africom – créé par George W. Bush en 2007 – d’un commandement censé mettre en œuvre une approche globale civilo-militaire à un commandement de plus en plus combattant. Un tournant lié à l’intervention en Libye en 2011 et à l’attaque du consulat américain de Benghazi en 2012, dans laquelle l’ambassadeur de l’époque trouva la mort.
Les militaires américains présents en Afrique – environ 6 000 sur le continent, dont 4 000 sur la principale base de Djibouti – ont avant tout un rôle d’appui, de formation et d’assistance aux forces locales : il s’agit de ne pas apparaîtrecomme un cobelligérant (le traumatisme de Mogadiscio en 1993 sous Clinton reste vif), le mot d’ordre sur le long terme demeurant celui des « solutions africaines aux problèmes africains ».
Obama a en effet poursuivi la guerre globale des Etats-Unis contre les groupes djihadistes où qu’ils soient, tout en modifiant son approche militaire. Avec l’augmentation des groupes terroristes et de leurs activités en Afrique, le continent a constitué un laboratoire de la transformation opérée par Obama dans les engagements militaires américains. Cette mutation est elle-même guidée par le concept d’« empreinte légère » reposant sur la formation, l’équipement et l’appui aux forces armées des pays directement concernés par ces menaces sur le terrain.
En témoigne la multiplication des références à des régions et pays africains dans plusieurs discours emblématiques d’Obama sur le terrorisme, en particulier le discours de West Point, ou celui de septembre 2014 annonçant la stratégie américaine vis-à-vis de l’organisation Etat islamique, dans lequel Obama citait en référence la stratégie mise en œuvre depuis plusieurs années en Somalie ainsi qu’au Yémen.
La montée en puissance de la présence de l’Afrique dans les intérêts américains découle de l’évaluation en hausse constante de la menace terroriste venue du continent. Ainsi, en 2012, le département d’Etat identifiait quatre organisations terroristes en Afrique subsaharienne. Aujourd’hui, il en identifie quatre fois plus.
La première priorité des Etats-Unis en Afrique demeure la Somalie, les Chabab étant identifiés par Africom chaque année dans sa présentation au Congrès comme la menace principale visant les intérêts américains.
La deuxième priorité est, aujourd’hui, l’Afrique du Nord et de l’Ouest, en particulier le Sahel où les Etats-Unis agissent en soutien de l’opération française « Barkhane » (ou l’inverse), et la Libye, où Washington intervient également directement depuis l’été 2016.
La troisième priorité sur le continent est la lutte contre Boko Haram, affilié au groupe Etat islamique, aux côtés des autorités nigérianes et camerounaises, en coopération avec la France et la Grande-Bretagne. Le chef de l’US Army déclarait récemment que 80 % des activités prévues en 2018 pour les forces terrestres américaines en Afrique concernaient le bassin du lac Tchad (Tchad, Niger, Nigeria, Cameroun). Le département d’Etat, de son côté, a confirmé l’engagement financier supplémentaire des Etats-Unis pour le Sahel, à hauteur de 60 millions de dollars.
Montée en puissance du dispositif américain
Les Américains ont semblé découvrir avec la mort récente de quatre soldats des forces spéciales l’ampleur de leur présence au Niger, pays qui compte aujourd’hui 800 militaires américains sur son sol, et plusieurs bases, dont une d’« ampleur historique » (pour l’US Air Force) en construction, destinées en priorité aux drones de surveillance – le débat serait en cours aux Etats-Unis sur la question de les armer, le Niger en ayant confirmé la demande.
Cette présence au sol, la plus importante dans un pays africain hors Djibouti, est liée à l’alourdissement de l’empreinte américaine depuis l’élection de Donald Trump. La même évolution est observable en Somalie, où la présence américaine a quadruplé depuis janvier, pour atteindre 400 soldats.
Enfin, les frappes et raids se sont également intensifiés en Libye et en Somalie : 500 frappes en Libye, plus d’une douzaine de raids en Somalie depuis un an, la tendance étant donc antérieure à Trump, en particulier en Libye.
La priorité reste toutefois la formation et l’entraînement des armées partenaires. Mais les conditions sur le terrain ont changé, et la politique américaine a elle aussi évolué. Au vu des déclarations récentes du secrétaire à la défense, James Mattis, suite à l’affaire du Niger, le focus africain du contre-terrorisme américain pourrait s’accentuer.
On rappellera tout de même ici que plus des trois-quarts de l’aide américaine à l’Afrique vont à des programmes de santé, en particulier de lutte contre le sida, mis en place par George W. Bush. Ce sont ces programmes, en particulier, qu’un questionnaire envoyé aux diplomates américains par la nouvelle équipe Trump à son arrivée semblait vouloir remettre en question (le processus est en cours). La militarisation de l’approche américaine en serait renforcée, alors même que la diplomatie américaine devrait voir ses moyens diminuer.
Les limites de l’empreinte légère
L’empreinte légère repose, en particulier, sur l’emploi des forces spéciales. Le commandement américain des forces spéciales (Socom, Special Operations Command) a été protégé des coupes du budget défense américain. Son commandement opérationnel (JSOC, Joint Special Operations Command), a pris une importance croissante en tant que planificateur et acteur central de la lutte contre le terrorisme, place entérinée officiellement par Obama dans les dernières semaines de son mandat.
Pour mémoire, les effectifs des forces spéciales américaines sont d’environ 70 000 hommes (moins de 5 % forces militaires totales américaines) pour un budget en 2012 de 10,5 milliards de dollars (1,4 % du total budget défense). En 2016, pour la première fois, les forces spéciales ont eu davantage de pertes que les forces régulières, une évolution significative qui découle directement du choix de l’empreinte légère. Or cette orientation devrait se maintenir en raison de la contrainte budgétaire et de la prévalence des guerres et menaces irrégulières ; elle est d’ailleurs est soutenue par le Congrès, en particulier pour l’Afrique.
La Somalie, invoquée comme modèle par Obama, est aussi un cas d’étude des risques liés à l’empreinte légère. La lutte contre les Chabab représente le plus gros budget d’assistance militaire américaine en Afrique, avec un total de 1,4 milliard de dollars sur la dernière décennie (2007-2016), pour l’essentiel sous la forme d’assistance sécuritaire bilatérale aux armées des pays engagés sur le terrain, Kenya et Ethiopie en tête. Ce montant reste très largement inférieur (1 000 fois) au coût des guerres en Irak et Afghanistan.
Mais si l’approche indirecte somalienne coûte moins cher, elle illustre également les conséquences contre-productives de cette option. Le cas somalien montre en effet les limites de l’efficacité de la stratégie indirecte, puisque la menace perdure, voire augmente, plus de dix ans après que les Etats-Unis en aient fait leur première priorité sur le continent. Washington a d’ailleurs adopté ces derniers temps une approche de plus en plus directe, qui semble relativiser la réussite du « modèle somalien » vanté en son temps par Obama.
Il faut surtout rappeler ici que les efforts lancés par Washington après les attentats de 2001 pour prévenir puis contenir la menace terroriste en Afrique de l’Est, en finançant les efforts des principaux partenaires africains (Ethiopie, Kenya, Ouganda, Burundi, Djibouti) engagés dans la résolution de la crise politique somalienne, ont contribué à faire du mouvement Al-Chabab une menace au niveau régional qu’il ne constituait pas nécessairement au départ. Demain, le même scénario pourrait se produire au Niger, et ailleurs en Afrique.